La solidarité en Guadeloupe, avec Justice et Paix

Une fois par trimestre les délégués Justice et Paix des paroisses et mouvements se retrouvent pour se former, réfléchir, prier. Ce dimanche 18 février, la rencontre avait lieu à St Luc de Baimbridge et a rassemblé une quarantaine de personnes toutes motivées par le thème de la solidarité. « Regards croisés sur la solidarité en Guadeloupe hier et aujourd’hui… quel questionnement ? ». 

Une fois par trimestre les délégués Justice et Paix des paroisses et mouvements se retrouvent pour se former, réfléchir, prier. Ce dimanche 18 février, la rencontre avait lieu à St Luc de Baimbridge et a rassemblé une quarantaine de personnes toutes motivées par le thème de la solidarité. « Regards croisés sur la solidarité en Guadeloupe hier et aujourd’hui… quel questionnement ? ».

Après le temps de prière, Darel Laurent a présenté les documents de travail dont le texte du pape et un extrait de sollicitudo rei socialis, à partir desquels les carrefours auront à réfléchir, et surtout les deux intervenants qui dans une intervention d’une demi-heure chacun ont situé la réflexion et lui ont donnée hauteur et perspective.

Raymond Otto, anthropologue et sociologue, a su pointer pour nous tout de suite les vrais enjeux. Dans un style corrosif, il est parti de la « solidarité organique » qui « antan lontan » (mais ce n’est pas si loin que ça !) faisait vivre une famille, puis un quartier, puis toute une section dans l’harmonie malgré les difficultés (don à la naissance, quand les grands jeunes partaient aux études en France, aide aux parents, accompagnement spontané et durable dans les décès…) le don de soi était naturel alors, et chacune et chacun savait qu’il devait faire le maximum, tout cela dans l’entraide et le réconfort, ne cherchant pas à s’immiscer pour autant dans les affaires des autres. On se respectait ! Depuis, du fait de l’assistanat, de l’évolution économique, des problèmes de transport, de l’individualisme ambiant… on parle de solidarité mécanique : il y a une question d’enjeu qui entre en ligne de compte. « On veut calculer. La spontanéité a perdu de sa substance. Et surtout on veut de la reconnaissance » n’hésite pas à affirmer Raymond Otto. Et tout cela tue le don vrai, gratuit. « Aujourd’hui on s’interroge en permanence sur la pertinence de ce qu’on fait », dit encore M. Otto, qui est un adepte de la solidarité enseignée, instruite, pratiquée dans l’éducation et l’enseignement dès le plus jeunes âge. « En accédant aux connaissances, on est rentré dans un individualisme qui cultive l’indifférence. Cela va devenir bientôt insoutenable, tonne-t-il en conclusion ». Raymond Otto termine alors son topo par une belle évocation de l’âme : cultivons la solidarité de l’âme dans notre Gwadloup, et notre vie collective retrouvera toute son essence !

Ary Broussillon (historien/sociologue) recadre au début de son exposé notre sentiment gwadloupéen qui nous entraînerait vite dans une forme de culpabilité incessante.  « Ne battons pas toujours notre coulpe, toutes les sociétés sont touchées. Dans l’engagement solidaire, le vrai, on se sent souvent seul aujourd’hui, affirme Ary Broussillon, ou bien ce sont des grosses organisations qualifiées et mandatées qui nous dictent nos conduites. La solidarité devient une ambition ! Par exemple les conduites matérielles de l’habitat ont aujourd’hui bien changé, et construire en Koudmen devient rapidement problématique. » La solidarité mécanique d’aujourd’hui demande un plus.  Les seuls éléments permanents entre avant et maintenant ce sont les valeurs ; sur le socle éternel de la Fraternité, la solidarité vient se poster car elle exige de se battre à contre-courant bien souvent de ce qui se fait.  Ary Broussillon se réfère souvent à Dom Helder Camara qui dans « le désert est fertile » ouvre de si belles réflexions qui permettent d’y voir plus clair. Il convient de créer des rassemblements pour diffuser la bonne Parole et agir surtout. Et M Broussillon de tonner : « il faut développer un mouvement insurrectionnel des consciences ». Et Raymond Otto de reprendre le flambeau : « Rien ne nous indigne plus ; nous sommes devenus des âmes asséchées, altérées, assoiffées d’altérité ! »

S’en suit alors un débat d’un grand intérêt où chacune et chacun peut donner loyalement son ressenti. Son expérience concrète. Robert Valérius, avocat qui a les Droits de l’Homme chevillés au cœur, d’affirmer : « la désespérance est le mal de notre société aujourd’hui. L’enfant, le jeune a besoin de retrouver les vraies qualités relationnelles qui lui permettent de voir clair. »  M. Otto : « l’indifférence se développe avec la peur de faire des choses, on dirait que pour poser des actes on doive se cacher derrière l’anonymat d’internet et des réseaux sociaux ! C’est comme une fuite en avant, et c’est dangereux !» A. Broussillon : « notre mission aujourd’hui est la Fraternité, c’est un principe qui doit tous nous réunir, qui que nous soyons ; et la solidarité c’est un agir ! » « Sortons de l’intégrisme de l’indifférence ! » reprend alors Darel Laurent. On dirait que le monde est « dans un état de sauvagerie : cette régression du XXIeme siècle risque de nous pousser à instrumentaliser la solidarité ». « Agir en tant que chrétien c’est relier le cœur et la raison, car La seule religion c’est l’amour. Le langage c’est le cœur ! » dit M Broussillon. « C’est bien ce que je disais, conclut alors M. Otto, on a bien besoin de prendre soin de notre âme ! » L’Eglise doit nous y aider !

Après avoir remercié nos brillants intervenants à qui on souhaite de revenir pour nous aider à avancer dans le droit chemin, nous nous retrouvons par carrefour pour réfléchir au questionnaire plus « pratique ». Quels sont les obstacles à la solidarité en chacun de nous, dans nos familles, dans nos quartiers, dans nos relations professionnelles, sociales, économiques et culturelles ? Quels sont les fruits d’une véritable solidarité sociale, économique et affective ? Quels passages de l’Ecriture peuvent éclairer notre réflexion sur ce sujet ? Quelles décisions d’actions sommes-nous appelés à prendre (personnellement et en communauté) suite à une telle réflexion ?

La mise en commun permet un bel échange que Père Albert Blanchard nous permet de relier et de l’élever à Dieu pour que nous puissions aller plus en avant.
L’Eucharistie conclut notre matinée de réflexion et nous introduit dans la poursuite de notre marche vers Pâques !
Jean-Marie Gauthier