« La tendresse de Dieu se manifeste dans les signes »
Cette magnifique parole du pape François était comme le leitmotiv de la conférence donnée par M. Aloysius John, Secrétaire Général de Caritas International Secours Catholique, ce mercredi 6 janvier à 15 h 30 dans la chapelle des Sœurs Carmélites à Gourbeyre. Elle répondait comme en écho à cet autre conseil que le pape François a donné à Aloysius son bras droit pour la charité en action : « si chacune et chacun de nous ne fait pas, qui va faire ? » Ainsi le secrétaire général de Caritas International parcourt-il le monde pour porter la bonne nouvelle de Fratelli Tutti, et surtout pour traduire en acte cette charité et cette solidarité tant prônées par l’Eglise pour tous les peuples de la terre.
De passage en Guadeloupe, le groupe Famille Fraternité de l’Incarnation a profité de l’occasion pour convier M. John à vulgariser le message de cette sublime encyclique qui trouve un écho sur toute la planète. Les Sœurs Carmélites, toujours aussi généreuses, n’ont pas hésité à mettre à disposition leur chapelle pour nous accueillir et pour bénéficier elles-mêmes de cet enseignement de grande valeur universelle. Et c’est donc une soixantaine de personnes (y compris les carmélites) qui, respectant la distanciation obligée, ont pu bénéficier de cette conférence très engageante.
« Comment embrayer une solidarité effective entre nos îles de la Caraïbe ? » voilà l’idéal vers lequel nous devons tendre. Et pour y parvenir Aloysius décline les principaux axes et jalons que nous suggère le pape dans « Fratelli tutti ».
Comment allons-nous vivre dans ce contexte post-pandémique ? L’amour désormais doit transcender notre sphère privée. Il convient de mettre en place des petits projets concrets pour venir en aide aux personnes les plus fragiles partout « où elles se trouvent », et souvent à nos portes. « Le pape François insiste sur les projets en Eglise ».
Pour vivre cette solidarité entre nos îles, maintenant il faut « casser les ilots ». Le pape fait même un « état des lieux » : un état social aujourd’hui. Nous sommes reliés au monde entier par tous les moyens et les réseaux sociaux à notre portée, et nous ne pouvons pas dire que nous ne sommes pas au courant de tout ce qui se passe près de chez nous mais aussi à l’autre bout de la planète. Tout nous parvient. Et bizarrement c’est trop souvent « l’indifférence totale de la souffrance de l’autre » qui prime. Le projet de fraternité tant espéré comme un chemin salvateur, est partout remis en cause ! Comment reconquérir les valeurs spirituelles ? La pandémie est révélatrice de l’individualisme de notre temps. C’est pourquoi le pape nous demande de sortir aux périphéries ! C’est pourquoi aussi les évêques eux-mêmes partout à travers le monde sollicitent Caritas pour aider nos frères dans le besoin. « Jésus dans son Evangile nous tire vers le haut ! » Et dans un chapitre admirable sur l’évangile du Bon Samaritain, le pape nous donne des balises pour promouvoir l’amour universel tout autant que l’amour de son prochain dans ce monde globalisé qui perd les vertus de compassion et de dignité.
Et voici la trame, comme un code de la route, que propose Caritas, et que partout, où Aloysius se rend, il répète : « au nom de l’Eglise, promouvoir cette approche fraternelle des pauvres implique comme une trinité obligatoire : les accueillir ; les défendre ; les accompagner ! » La charité en acte fait partie intégrante de la Foi, comme le pape aime à le rappeler.
Un aspect important a aussi été développé au cours de la conférence : la société moderne est blessée (on le voit partout avec le terrorisme, les migrants, les populations en détresse…). Il est indispensable de changer nos regards et de s’approprier une écologie intégrale, comme celle énoncée dans le Synode, pour permettre à notre monde tout entier de sortir de l’ornière des individualismes.
John a truffé son exposé de faits terribles qui ont marqué l’auditoire. Un en particulier : « La Caritas de Rome avait été appelée par un évêque du Sénégal. Et nous étions de passage dans un hôtel dénommé « Hispaniolia » le long d’une belle plage. Des immigrants haletants sont arrivés près de nous en disant : « nous sommes bien en Espagne n’est-ce pas ! c’est ce qu’on nous a affirmé quand on nous a débarqués de force ». Ils venaient du Cap Vert, et les passeurs sans scrupule, les avaient débarqués là en leur disant qu’ils abordaient l’Europe ! » Affreux !
A la fin de son exposé, les questions n’ont pas manqué. Il y a 162 antennes Caritas, émanant de Rome, qui œuvrent à travers le monde. Le Secours Catholique partout est un vrai levier. Les Droits fondamentaux doivent être partout défendus : « Justice et Paix » le fait ; notamment privilégier partout et dans les pays les plus pauvres : le savoir, la connaissance et l’éducation. Une charité politique est appelée de ses vœux.
Le temps de prière qui avait commencé la rencontre l’a aussi conclue. Et le verre de l’amitié a permis de resserrer les liens ! M. Aloysius John a promis de revenir, notamment « pour mettre en pratique cette solidarité effective entre nos îles de la Caraïbe ».
Jean-Marie Gauthier
Portrait
Aloysius JOHN, français d’origine indienne est marié et père de trois enfants (dont Sophie Gregori-John, directrice adjointe de l’école de Massabielle 2 aux Abymes) et quatre petits-enfants. Il a fait des études universitaires de maths et de sciences de l’éducation en Inde puis de sociologie et travail social à l’école des hautes études en France. Il a ensuite exercé en tant que professeur vacataire dans plusieurs universités de France, Europe et Afrique. Depuis 1983 il travaille au Secours Catholique où il a occupé plusieurs fonctions dont celle de responsable Asie, Moyen Orient et Océanie. Il a voyagé dans de nombreux pays pour approcher et comprendre les réalités des peuples et des terrains. Il a une bonne connaissance des différents continents. Depuis 2013, il travaille à Rome au sein de
Caritas Internationalis en tant que directeur de développement institutionnel et renforcement des capacités des Caritas dans le monde. En 2019 il a été élu secrétaire général de Caritas Internationalis. Il est le troisième français à occuper ce poste. De passage en Guadeloupe pour visiter sa famille, son témoignage est très éclairant.