« Parler vrai ! » dans les turbulences d’aujourd’hui !

Ce jeudi 28 janvier, Jénès an Mouvman pou Jezikri organisait sa rencontre mensuelle à 18 h 30 à l’église St Pierre & St Paul de Pointe-à-Pitre, autour du thème : « Quel doit être le rôle des Eglises ? Quelle parole ont-elles à dire ? Au milieu de tous les bouleversements de nos sociétés. » Et si une cinquantaine de personnes, respectant les normes sanitaires, ont pu être présentes et bénéficier des interventions de grande qualité qui ont jalonné la conférence retransmise en direct sur Radio Massabielle, ce sont de nombreux jeunes qui reliés par les réseaux sociaux ont pu en bénéficier aussi. Témoin Blaise J., étudiant en aéronautique en métropole, qui a donné par SMS son témoignage à la fin : « Merci à JMJC, car la question nous taraude tous, et je peux vous dire que quand on est loin et assailli par cette crise sanitaire, on aime entendre les voix de chez nous surtout sur ces questions majeures, et ça réconforte ! »

C’est par le chant « Viens Saint-Esprit » que la conférence a commencé. Belle invocation pour ouvrir nos esprits et nos cœurs, et favoriser la fraternité par le lien de la prière.

 

François-Joseph Ousselin, en premier de cordée averti, ouvrait le débat avec enthousiasme dépassant la gravité du sujet présent. « Les choses qui se vivent dans la société, résonnent immanquablement dans nos Eglises. La semaine de l’unité des chrétiens que nous venons de vivre nous a appelés à nous engager ». Puis, Christelle, telle une coach professionnelle, a su articuler les débats et faire progresser notre réflexion à tous. Prenant le relai elle présentait les intervenants :

 

Pasteur Josias, président de l’Union des Eglises Evangéliques en Guadeloupe. « Le message libérateur du Christ a de plus en plus de mal à passer dans nos communautés avec cette crise sanitaire qui se prolonge à l’échelon mondial ; et cette laïcité à la française qui peut priver la société du droit à la parole ».

 

Fola (Steeve Gadet), artiste et universitaire guadeloupéen bien connu et apprécié qui vit en Martinique, et a dit sa joie d’avoir été convoqué aujourd’hui chez lui pour témoigner  : « Les réseaux sociaux sont une caisse de résonnance certes, mais nous avons le devoir de prendre la parole, de dire nos convictions, nos difficultés, nos souffrances. Je sais moi tout le vécu de nos peuples caribéens, et je suis pétri de l’histoire de l’Eglise chez nous (les combats du Père Chérubin Céleste par exemple) et de l’Eglise noire aux USA. La lettre que je viens d’écrire sur les réseaux sociaux a rencontré beaucoup d’échos et a délié les langues : comment est la société qui nous entoure, et qu’est-ce qu’on peut et doit y faire pour avancer dans notre quête de bonheur et de justice pour tous ! »

 

Diacre Jean-Paul Levif, qui œuvre chez les sapeurs-pompiers, assure une présence chrétienne près des prisonniers, en plus de sa vie de famille et de son apostolat. « Les gens attendent des pasteurs pour les guider et parler en vérité. On a déboulonné des statues en Martinique, Mgr Macaire est allé au-devant des groupes pour comprendre, échanger et surtout dire une parole qui élève l’âme et qui pose question car les sujets sont brulants et graves en effet mais ne doivent pas nous entraîner aux outrances. Il ne faut pas avoir peur de nous montrer chrétiens, d’affirmer notre foi et de la mettre en pratique dans nos milieux de vie. Je vous partage l’exemple de Tom Daschle, ministre de la santé d’Obama. Tom brillant médecin et scientifique réputé était athée. Il se rend en Afrique pour aider les populations très pauvres. Il organise, distribue l’aide dans tous les lieux de grande souffrance. Et, il constate dans un camp un groupe de gens dans le plus grand dénuement mais qui pourtant prie et chante leur joie. Il est sidéré. « Mais comment peut-on chanter joyeusement alors qu’on manque de tout ici ? leur demande-t-il. Au contraire, lui répond-on, c’est Dieu qui nous fait tenir, c’est grâce à Jésus que l’on continue d’espérer et de ne pas nous décourager.’ Depuis Tom s’est converti et continue de soigner tout en puisant sa force dans la foi en Dieu qu’il communique aussi autour de lui. »

Jean-Marie Flower, scientifique, biologiste de renom, fait un travail de terrain apprécié partout pour la prise de conscience des « effets dévastateurs du chlordécone cet insecticide toxique, écotoxique et persistant. » Vulgarisant parfaitement son message, il veut venir en aide à tous les agriculteurs qui ont été dupés et spoliés. « Il faut demander justice, si on ne veut pas que les générations qui viendront après nous en souffrent encore. C’est une question à la fois de justice et de santé. Le chlordecone est l’arbre qui cache la forêt, car d’autres problèmes vont surgir avec d’autres produits qui si on n’y prend garde vont faire de même. Nous devons faire attention dans nos pratiques, nous devons nous approprier l’écologie tant prônée par le pape François et d’autres. Mais l’Etat a failli, et si on ne peut pas le contrer pénalement on peut tout à fait le faire civilement. La justice a une intervention à faire comme au Rwanda par exemple « une commission justice et vérité ».   

Les débats sont restés très riches tout au long des prises de parole des intervenants. Et Christelle en modératrice qualifiée a su rendre les échanges graves très captivants.

Que devons-nous faire ? Comme dans l’Evangile, les disciples posaient souvent cette question à Jésus.

 

Fola : « Les femmes ont leur mot à dire. Et on doit tous se concerter. Nos églises n’ont pas à rester frileuses. J’étais dernièrement en Jamaïque, je puis témoigner qu’il y a des ponts salvateurs qui se tendent entre la société et la religion. Dans nos sociétés francophones c’est moins évident. Il y a un travail à faire. Dans la culture antillaise pourtant la joie prime toujours sur la sinistrose. La crise sanitaire actuelle qui nous « masque » ne doit pas nous empêcher d’espérer et de créer. » A n’en pas douter l’art est un bon canal, et Fola en est un bel exemple.

 

Pasteur Josias, constatant les meurtrissures engendrées par l’esclavage, maintient que « en tant que chrétiens nous devons absolument être la Lumière dans l’époque où nous sommes. Nous avons été placés, durant ce temps qui est le nôtre. Du temps de Jésus ce n’était pas plus facile, et Jésus nous demande d’être sel de la terre aujourd’hui. Avec Dieu je suis dans l’aujourd’hui. Nous Gwadloupéens devons être fiers d’être chrétiens. Car nous avons des clés à promouvoir. »

 

Diacre Jean-Paul Levif : « Le Christ a parlé sur tous les sujets. Rien ne lui a échappé. Attentif à tout dans l’Evangile, il avait réponse à tout. Le pape François nous demande de sortir aux périphéries : ses encycliques sur l’écologie, le travail, la fraternité sont des balises sures, nous devons nous les approprier… on dirait que nous chrétiens dans le monde on a comme un retard à l’allumage ! Vatican II nous propulse pourtant vers l’avant. Ne soyons pas des nostalgiques du passé, sans arrêt.»

 

Pasteur Josias : « Dans les échanges humains nous devons nous rencontrer, nous concerter, prier ensemble, au-delà des étiquettes ! Quand nous parlons d’Eglise, de quelle Eglise parlons-nous ? souvent on ne veut voir que l’institution. Mais l’Eglise c’est nous. En Haïti, on entend les chrétiens dire toujours : « moi, c’est l’Evangile ! » comme c’est juste ! Oui chaque chrétien devrait pouvoir dire cela partout dans la Caraïbe et à travers le monde. »

 

Jean-Marie Flower : « Il ne faut pas hésiter à mener une réflexion à l’intérieur de nous. La question de l’environnement doit nous imprégner d’abord pour en parler après et bien savoir de quoi on parle. Prier, nous former et mener des actions. Voilà une « trinité » indispensable pour que nos communautés, nos groupes aillent dans le bon sens. La commission diocésaine Justice et Paix dont je fais partie avec Maître Robert Valérius en parle souvent sur Radio Massabielle, n’hésitez pas à écouter et vous y référer. »

 

La parole est donnée à l’assemblée. Intéressante progression. Les besoins doivent nous mettre en mouvement, trouver les ressources pour prévenir les violences. Fola : « Lecture, échange en groupe et éducation mobilisent nos familles. N’hésitons pas à pratiquer la musique et l’enraciner dans l’Evangile ». Pasteur Josias : « on ne demande pas aux quatre-cent-mille Guadeloupéens d’être tous pareils comme des robots, mais chacun d’être individuellement Jésus-Christ authentiquement et ainsi pouvoir s’épauler en toute liberté, respect, tolérance et fraternité. »

 

Passionnante soirée qui aurait pu durer encore. François-Joseph conclut en nous faisant prendre conscience que nous devons veiller « aux jeunes et à la génération qui vient après nous ». Que léguerons-nous en vérité ? Nous en reparlerons.

Jean-Marie Gauthier

Témoignages :

« Le covid ne doit pas nous empêcher de penser ; déjà qu’on est masqué, mais notre esprit et notre cœur ne sont pas bridés. Grâce à Jénès an Mouvman pou Jézikri on peut échanger et penser à voix haute ! » (Sandrine, étudiante à Fouillole)

 

« J’ai aimé cette conférence et m’y suis sentie bien, même si on aurait voulu creuser encore les questions. Mais au moins ça ouvre des horizons ! »  (Olga, mère de famille évangéliste, à la sortie)

 

« On aime beaucoup Fola et tout le travail artistique qu’il fait, et on s’est regroupé à plusieurs pour suivre l’émission depuis la cité universitaire de Schoelcher à Fort-de-France, et on a bien apprécié les débats. Dommage qu’à certains moments on avait du mal à suivre la connexion étant défaillante, mais globalement ça nous a fait réfléchir » (Johana, Jordan, Séverin, étudiants)

 

« Audacieux, même si on ne peut pas tout dire, une émission comme ça, ça percute ! Annou alé !» (Mickaël, sur facebook)