Le message de Mgr Macaire pour les obsèques de Jacob Desvarieux

Nous publions intégralement le message qu’a adressé Mgr David Macaire, administrateur apostolique du diocèse de Guadeloupe et archevêque de Martinique à l’occasion des obsèques du co-fondateur de Kassav, Jacob Desvarieux.

Chers frères et sœurs, chers amis,

Comme tant d’hommes et de femmes de notre peuple des Antilles et d’ailleurs, j’aurais aimé être auprès de vous. Vous, famille et intimes de notre frère Jacob Desvarieux, pour vous entourer de notre affection au cours de cette célébration d’A-Dieu.

Nous aurions tous aimé être auprès de vous pour signifier l’amitié commune que Jacob a chantée et suscitée en nous tous depuis plusieurs générations !

Nous sommes si nombreux qui aurions voulu être auprès de vous sa famille et ses proches pour montrer à Jacob lui-même, sa famille de Kassav’, à Jocelyne, à Jean-Philippe, à Pierre-Edouard, à Georges, à Jean-Claude et à tous les autres, mais aussi à Patrick (+), qu’ils font partie à tout jamais de notre famille ! Mieux encore, qu’ils font partie de la plupart de nos familles, chacun et en groupe.

Oui, la musique de Jacob et de Kassav’ est une partie de l’histoire collective et plus singulièrement de chacune de nos histoires personnelles. Jacob c’est une partie de notre cœur.

Mèsi Jacob, mèsi an pil, d’avoir su porter la musique antillaise, à un niveau d’expression universel et d’avoir ainsi contribué à faire rayonner le génie de notre culture.

Mèsi Jacob, mèsi an chay. Merci à toi, et aux frères et sœurs de la famille Kassav’, d’avoir su faire jaillir de l’âme de notre peuple marqué par une histoire si douloureuse, une expression si joyeuse et si sincère qu’elle s’est transmise au monde entier. Une victoire que l’histoire n’oubliera pas et qui nous rend tous fiers.

Mèsi Jacob, Mèsi an lo’ d’avoir su faire fructifier les talents que Dieu t’a donné. Modeste comme d’habitude, tu déclarais, en février dernier, dans un entretien accordé à la chaine catholique KTO : « J’ai reçu un talent, je fais partie des gens qui sont bénis ». Merci pour cette humilité et cette discrétion qui émanaient de ta personne.

Mèsi Jacob, mèsi tou bonnement d’avoir su mettre ton talent hors-norme au service de l’affirmation de ce que nous sommes. La mise en œuvre de ta vie d’artiste et de leader mêlant le génie, la fidélité à nos racines, l’amitié fraternelle et la paternité pour les jeunes talents, est un modèle. Merci pour les paroles propres des chants de Kassav’ et la langue créole si pure de vos poésies !

Chère famille de Jacob, chers proches et intimes réunis ce jour, dans un lieu discret pour célébrer ces funérailles particulières en une période si éprouvante, vous perdez aujourd’hui celui à qui des liens intimes et uniques vous unissaient. Cela vous appartient et nous nous contentons de prier le Dieu de toute consolation de vous réconforter par la puissance de son esprit et l’intercession des saints.

Mais sentez-vous aussi l’immense foule de cœurs et d’âmes qui se presse autour de vous pour s’unir à vos larmes et à votre espérance ?

Percevez-vous à travers les ondes et internet, jusqu’ au-delà de l’Atlantique et de la mer des Antilles l’immense gratitude qui monte vers Dieu ? L’immense prière pour le repos de l’âme, pour la miséricorde et pour la bénédiction de notre frère Jacob ?

Entendez-vous le cri silencieux d’une profonde émotion populaire qui vous entoure aujourd’hui, non sans tristesse certes mais avec tant de Foi, tant de « yon a lot’ », « yon épi lot ». Tant de « pliss foss » et de « Tchimbé rèd pa moli, nou la épi zot ».

En priant depuis l’annonce de son décès, j’ai réécouté ce que Jacob Desvarieux disait lui-même du zouk. Il disait qu’avant d’être une musique qu’il a créée avec ses amis, le zouk était un fait et une fête. Un événement qui rassemblait… (oui “rassemblait” !) des hommes et des femmes pour fêter et pour danser. Ensemb’ ensemb’ !

Le zouk si j’en crois cette interview de Jacob c’est d’abord et avant tout une manifestation d’unité et de concorde, d’union et non de division. « Zot bel » disait Jocelyne Beroard à la foule du stade de France lors des 30 ans du groupe…. « zot bèl pass nou la adan LARMONIE ».

Alors vous me permettrez, pour finir, d’interpréter la pensée de Jacob et de nous redire à tous, à votre famille, aux Guadeloupéens, aux martiniquais, à tous les antillais, à tous les outremers, à tous les hommes, aux croyants, aux non croyants ; que c’est avant tout la communion fraternelle des hommes qui est le médicament de toutes nos maladies. La solution de toutes nos détresses !

En cela, Jacob Desvarieux porte un message universel. C’est le message de l’Évangile et de la foi. C’est le message du Christ et de l’Eglise : restons unis car notre harmonie est notre force : Aimons-nous les uns les autres !

Que le Seigneur, en ces temps douloureux, où de nouvelles divisions et oppositions nous déchirent et nous affaiblissent, accueille aujourd’hui l’âme de notre frère Jacob Desvarieux. Que sa guitare s’accorde rapidement à l’orchestre des anges et des grands artistes décédés !

Et que depuis le ciel, les Antillais et le monde entier entendent Jacob, Patrick et tant d’autres chanter l’unité, l’harmonie, la communion gravée au cœur de chaque homme par le divin Créateur. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».

AMEN.