Père Daniel Romulus donne de ses nouvelles !

Père Daniel Romulus qui a été inquiété fin août par quelques jeunes brigands violents qui lui ont fait très peur mais qui, heureusement, ne l’ont pas kidnappé ni blessé (même s’ils se sont introduits chez lui, dans son  presbytère de Petit-Boucan pourtant si modeste) vient de m’envoyer un SMS pour me dire qu’il allait bien et qu’il tenait à rassurer tout le monde sur son état de santé. « Jésus-Christ me protège, rassurez-vous, continuez de prier pour moi ! ». Voilà le témoignage qu’il nous a laissé fin juillet avant de repartir pour la fête patronale chez lui en Haïti. Il n’en a que plus de force après ce qu’il vient de vivre de méchant autour de lui mais qui n’a pas altéré son espérance ni sa foi.

J.-M. G.  

La Fraternité au cœur de la vie !

1°) Père Daniel Romulus, tu es prêtre pradosien du diocèse de Guadeloupe et envoyé en mission en Haïti à Petit-Boucan depuis plus de douze dans une section isolée de la zone de Gressier. Il y a plus de cinq mille habitants répartis sur tout le morne où tu œuvres. Comment se déroule ta mission ?

« Être prêtre en Haïti c’est difficile, mais en même temps, c’est stimulant. Ma conviction : on n’est pas là pour soigner seulement l’âme, mais pour prendre soin de l’homme dans son intégralité. Dans le besoin de vivre avec Dieu qui doit nous animer tous, il y a aussi une dimension culturelle, sociale, économique et politique. C’est tous ces aspects qu’il faut prendre en compte. En général tous les prêtres, notamment ceux qui œuvrent en campagne, se retrouvent directeurs d’école.

On ne doit pas rester indifférent à la réalité, même parfois cruelle, qui nous entoure. Comme prêtre je suis là pour accompagner les gens. La paroisse est en fondation, pour le moment il y a des lieux de culte mais sans bâtiment, le projet est en cours. Il faut savoir que dans la zone il y a une absence de toute infrastructure de base (eau, santé, routes, électricité) ; nous sommes démunis de tout ; cependant nous demeurons riches de Dieu. Les portables passent très mal car il n’y a pas de réseau. Mais les gens ont la foi, et une réelle bonne volonté ; quand on pense qu’on fait encore des kilomètres à pied pour aller chercher l’eau ; et les enfants pour aller à l’école. Je le redis souvent : le peuple haïtien est un peuple courageux, solidaires et croyants. Les gens sont toujours dignes, même dans le plus grand dénuement ; il me faut être très attentif pour discerner les demandes. Toutes les familles ont soif de connaître Dieu et d’approfondir leur foi ; et je peux témoigner que je reçois le centuple de ce que je donne !

2°) Tu as placé des jalons sérieux avec une école que tu as créée et qui accueille plus d’une centaine d’enfants et de jeunes, « car l’éducation est la base, dis-tu toujours, si l’on ne veut pas que les jeunes soient enrôlés dans des gangs ». Peux-tu développer un peu ?

Oui, il s’agit de l’école Saint Joseph de Petit Boucan. C’est une rude tâche car lourde à faire fonctionner, mais c’est le seul outil que j’ai en mains pour faire passer un message important : l’écologie, aimer la terre et la conserver, apprendre à travailler à la fois l’intellectuel et le manuel. Car il s’agit d’une école primaire et semi-professionnelle afin de former les enfants et les jeunes pour qu’ils arrivent à se « débrouiller » : artisanat, art…etc. Nous prônons une formation humaine intégrale : la tête, les mains, le cœur (formation religieuse) ; c’est sur ce trépied là que nous pourrons aider les jeunes à s’en sortir. Il convient que nous trouvions des parrainages pérennes à la fois pour les écoliers, et les enseignants. Ce projet est lourd à porter mais il est indispensable. Il faut dire qu’on supplée aux carences de l’Etat. C’est pourquoi cette mission-là est vitale. J’affirme : « scolariser un enfant, c’est un bandit en moins pour l’avenir ».  Il convient d’expliquer : les bandits sont nés des enfants des rues exploités par les politiciens corrompus et les oligarques du pays qui n’ont pas intérêt que cela cesse. Les médias vendent actuellement une Haïti qui n’est pas la nôtre. La nôtre, la vraie est paisible et bonne. Mesurez un peu sur la zone étendue de Petit-Boucan il n’y a pas une seule présence policière, et les gens et les familles qui sont pourtant pauvres veulent vivre et vivre en paix. On veut réduire Haïti à Port-au-Prince, mais Haïti n’est pas Port-au-Prince. Tous les Haïtiens ne sont pas des bandits, loin s’en faut ! La proportion de gangsters n’est qu’une poignée ! Une poignée manipulée par l’extérieur, ainsi que par l’intérieur, qui veut écouler ses armes et n’a intérêt pour cela que de répandre la violence. Je n’ai pas peur en Haïti, je prends des précautions bien-sûr, mais je n’ai pas peur. Si on vit dans la peur on est doublement victime.  

3°) Le problème de l’eau est crucial à Petit-Boucan. Et pour les plantations des paysans auxquels tu t’associes, tu as déjà créé des réserves d’eau de pluie. Mais aujourd’hui un forage est vivement attendu par toutes les familles du secteur « l’eau c’est la vie », et sa faisabilité a été confirmée par les experts. Comment t’aider à avancer ce projet ?

Dans un premier temps nous avons fabriqué de nos mains des impluviums pour recueillir l’eau de pluie afin d’aider surtout à l’irrigation des cultures maraichères et au breuvage des animaux. A ce jour nous n’en avons que deux, et il en faudrait davantage. Un forage est devenu indispensable pour la dignité de tous. L’expertise a désigné l’endroit où on peut trouver de l’eau et créer un forage. Nous en sommes là. Le forage va nous coûter 6000 dollars US. Il nous faudra en ajouter 5000 pour l’équipement et l’exploitation. Nous mettons cela entre les mains de Dieu et nos donateurs par le biais de SEDHAF.

4°) SEDHAF est l’association qui en Guadeloupe te soutient. Dis-nous en quelques mots afin que nous puissions la rejoindre.

Au départ c’était des amis, des frères et sœurs de Guadeloupe, qui me soutenaient pour Petit-Boucan. Puis nous avons créé ensemble une association humanitaire légale en bonne et due forme « Santé, Education, Développement, Aide aux femmes ». Le conseil d’administration est composé de personnes dévouées et compétentes pour qui la charité est au cœur de l’action et de la prière. Qui trouvent bénévolement et sérieusement, malgré leurs activités, le temps de s’engager résolument pour la solidarité avec Haïti à travers Petit-Boucan.

5°) Malgré les gangs et la violence qui se poursuit en Haïti, tu gardes un espoir tenace chevillé au cœur. Dis-nous comment tu tiens ?

L’artifice, le superficiel ne comptent pas ; Haïti ne peut pas périr. Il y a trop de potentialités, de richesses authentiques laborieuses et humaines dans ce peuple : beaucoup de jeunes sont courageux et en veulent, et qui marchent des kilomètres pour se former et continuer leurs études. Le courage, la résilience et la générosité caractérisent le peuple haïtien tout entier et en particulier les jeunes. Nous avons tous les atouts pour relever le pays. Mais il manque des hommes éclairés pour accompagner le peuple (Frère Francklin Armand et Mgr Willy Romélus sont de ceux-là mais il en faut d’autres). Daniel Foote émissaire américain en Haïti a dit le 8 octobre 2021 : « Il est temps que le gouvernement américain nous laisse décider par nous-mêmes. Il faut que les USA arrêtent de nous donner les chefs que eux veulent. Qu’on nous laisse en paix enfin ! Car ces gens-là ainsi parachutés profitent et corrompent autour d’eux pour régler leurs business en Haïti (où le commerce des armes par exemple est devenu lucratif pour eux). Ils n’ont aucun intérêt dans le bien authentique du peuple Haïtien en vérité ! »

La Parole de Dieu m’aide à tenir quotidiennement, et les gens autour de moi sont généreux, c’est un vrai réconfort heureusement. Nous avons mis en place des petites communautés d’église pour cheminer ; la formation est un axe majeur qu’il convient de privilégier. Le contact avec les gens, les voir vivre leur foi, voilà qui augmente ma foi. Les gens ne se plaignent jamais, je ne dois pas me plaindre. Même si parfois on se sent bien impuissant ! C’est la fraternité tant prônée par le pape François qui doit être notre boussole !

(propos recueillis par Jean-Marie Gauthier)

 

S.E.D.H.A.F.

23, boulevard Zami

97139 LES ABYMES

Tel. 0690 38 32 03 ou 0690 30 41 99

Mail : nadia.mondat@gmail.com

Rejoignez-nous pour aider père Daniel !