Deshaies : À la croisée des chemins !

“Belle halte que cette commune du nord Basse-Terre !” comme aime me le dire une grand-mère rencontrée, très gentille, qui vend ses gâteaux locaux le long de la route, tandis que je distribue dans les paroisses le bulletin diocésain l’Eglise en Guadeloupe en ce vendredi 15 mars. Rien que de très ordinaire, me direz-vous ! Sauf que ce matin là j’ai mis trois-quarts d’heure à descendre depuis le Jardin Botanique jusqu’à l’église. Incroyable ! Un monde fou ! Des gens partout… des touristes en grand nombre oui c’est vrai, mais pas seulement, le marché à gauche à l’entrée pris d’assaut, l’entrée du petit port assailli… beaucoup de jeunes qui font le service d’ordre et expliquent… des policiers et des agents de service qui guident et accueillent : “il y a un reportage avec Guadeloupe la Première, il ne faut pas se louper, vous comprenez !”… Bref tout le monde y met du sien et il fait un temps splendide. Et puis et surtout, dans la rade au loin, il y a un immense paquebot qui a jeté l’ancre et qui par petites embarcations successives amènent les touristes dans la ville… du jamais vu pour moi ! Une jeune m’explique que durant la saison touristique il en est ainsi, un paquebot jette l’ancre tous les quinze jours à peu près, et la journée à Deshaies est alors encore plus animée que d’habitude… “Je suis de Grande-Terre en Bac Pro Accueil et Commerce, et je fais mon stage à Deshaies dans le cadre de ma formation, c’est super intéressant vous savez !” m’explique gentiment le jeune Cédric, qui dégage la barrière pour moi, afin que je me gare près de la tombe du Père Magloire, comme j’en ai l’habitude. 

Beaucoup de monde vient visiter l’église, et surtout admirer et faire des photos du Commissariat de Police de la série “meurtre au Paradis”… Je rencontre le père Capo curé à qui je remets les Eglise en Guadeloupe… “Que de monde lui dis-je… !” “oui c’est souvent comme ça ici… l’accueil c’est quelque chose à Deshaies… et je me dis qu’il serait plus que nécessaire que nous travaillions à une pastorale du tourisme adaptée, car jusqu’ici on palie comme on peut et on est un peu démuni, car peu préparés à ces flots de touristes venus de partout !”... je redescends et me mets à dialoguer avec un groupe de touristes anglophones qui se ruent sur le commissariat où une jeune guide guadeloupéenne très sympa les incite à monter visiter le lieu… les photos fusent… je fais la remarque à cette guide : “mais il faut les inciter à visiter l’église, et surtout à s’arrêter devant la tombe du père Georges Magloire, premier prêtre guadeloupéen noir enterré là, c’est quand même quelque chose, il fait partie du patrimoine”. “Mais j’ignore ça Monsieur expliquez moi !” me répond-elle. “Vous pouvez lire l’excellent livre du père Jean Hamot sur cette figure exemplaire du clergé guadeloupéen, lui dis-je… vous devez bien le trouver dans une des petites-librairies en bas…” Et je redescends et me mets à dialoguer avec quatre personnes, dont un jeune pasteur évangéliste qui m’interpelle, nommé Rody (de la Barbade) qui avec sa femme monte voir la devanture de “meurtre au paradis”. Ils s’arrêtent devant la tombe, Rody parle français, et je leur explique qui est ce prêtre. “Mais c’est intéressant me dit Rody, dommage qu’on n’en parle pas davantage…d’ailleurs la tombe est bien dénudée” et de poursuivre “vous voyez cher ami, dans nos Eglises de la Caraïbe, il faut absolument que nous travaillons de concert deux pastorales : celle des Migrants, pour l’accueil et la fraternité, et celle du Tourisme pour l’écologie, la culture  et l’admiration de la nature dans nos si belles îles…”  Je lui dis mon approbation, et lui confirme espérer avec lui que l’unité des chrétiens vécue dans la Caraïbe puisse nous aider tous à progresser dans le sens qu’il vient de définir … Beaucoup de monde passe encore et les guides touristiques ont fort à faire… Un jeune couple de touristes français, en gîte au Gosier, sont de passage là aussi et m’interpelle sur l’église et cette tombe à côté. Après mon explication qui a semblé les intéresser, je leur conseille d’aller ce soir la conférence du père Hamot, à la salle Rémi Nainsouta à Pointe-à-Pitre et je poursuis : “vous ne le regretterez pas, vous qui semblez férus d’histoire, et vous aurez les éditions Nèg’Mawon qui vous permettront d’appréhender la culture guadeloupéenne dans tout son déploiement”… Beau hasard, j’allais moi-même après ma journée de distribution dans les paroisses, à la conférence du père Hamot : passionnante, il faut bien le dire ! Père Hamot est un érudit rigoureux et un homme de foi ! Beaucoup de monde sur ce sujet passionnant qu’il a développé avec conviction et une grande humanité. Et le partage qui s’en est suivi était d’un grand intérêt ! Saint Jean Bosco tient aux tripes des gens d’hier et d’aujourd’hui ! Comme beaucoup j’ai pu faire dédicacer mon livre, puis parler avec le jeune directeur dynamique des éditions Nèg’Mawon. … Tenez-vous bien en repartant j’ai croisé le jeune couple rencontré à Deshaies le matin, et qui espérait trouver le livre du Père Magloire dont on avait parlé… Malheureusement il n’avait pas été imprimé à cette édition, qui du coup ne l’avait pas ce soir ; en parlant alors avec Didyer Mannette je l’ai encouragé à réimprimer, avec l’accord du père Hamot bien-sûr, ce livre chez lui, et d’imprimer aussi un livre historique documenté sur saint Jean Bosco et le travail qui s’y est toujours fait et depuis longtemps dont il avait tellement été question ce soir ! Me saluant et repartant à leur gîte au Gosier, ces deux jeunes touristes m’ont dit : “super journée d’histoire et de culture aujourd’hui, monsieur, on a été ravi, et on a beaucoup appris… ne nous contentons pas que de la mer quand on vient en Guadeloupe… Avant hier cimetière des esclaves à Moule, et demain Mémorial’Act”. Adan on dot soley !

Jean-Marie Gauthier