Les Droits de l’Homme : une étape importante en Carême !

Ce vendredi soir 22 mars de 18 h à 20 h 30 avait lieu la rencontre de la Ligue des Droits de l’Homme de Guadeloupe, au lycée Gerville-Réache sur le thème incisif : “les Droits de l’Homme dans la Caraïbe”. Sous la houlette de Maître Robert Valérius, avocat de renom, et président de la Ligue des Droits de l’Homme en Guadeloupe, intervenaient Madame Murielle Vairac, maître de conférence en sciences politiques à l’université des Antilles, et M. Loïck Vatna, maître de conférence en droit public à l’université des Antilles.

Leur enseignement à chacun a été captivant tant les domaines historiques indispensables rappelés, les chiffres et statistiques imparables, les contours dans toutes nos îles nullement esquivés, tout cela a permis une réflexion approfondie et une mise à jour de nos connaissances souvent tronquées. “In fine : il y a lieu d’être militant aujourd’hui à ce niveau si on veut faire preuve de conscience véritable pour la défense authentique de nos peuples caribéens !” me disait Claude C., enseignant, et membre de la ligue des Droits de l’Homme, habitant Trois-Rivières, à la sortie. Et Céline G., de Vieux-Habitants d’ajouter :  “Quel monde laisserons-nous à nos enfants demain ? Si nous nous contentons de babiller et que nous n’agissons pas. Quelle rencontre instructive ce soir ! Prière, engagement et action voilà le trépied qui doit nous mener à Pâques.”

Mgr Joseph-Serge Miot, archevêque de Port-au-Prince, avait dit en 2008, au cours d’une homélie de carême : “Mes amis, les Droits de l’Homme sont indispensables à la vie du chrétien aujourd’hui où qu’il se trouve. On dit souvent que la Résurrection de Jésus est la quinzième station du chemin de Croix. J’ose ajouter aujourd’hui que la mission des Droits de l’Homme incombe à tous les chrétiens et qu’elle est comme la seizième station du chemin de croix.” Deux jeunes artistes Haïtiens, Stéphanie et Schneider-Léon, qui ont participé jusqu’ici à une exposition de leurs oeuvres d’art contemporain à la maison du patrimoine à Pointe-à-Pitre et au CDI du lycée Gerville-Réache, présents ce soir dans l’auditoire, sont les témoins vivants de ce combat pour les Droits de l’Homme qu’ils mènent de la façon la plus naturelle du monde pour la concorde dans la Caraïbe.

 

Une belle assemblée d’une soixantaine de personnes a participé à cette rencontre ce soir. Le contexte historique indispensable a été rappelé pour toutes nos îles mais aussi pour ce que Mme Vairac a précisé “la Caraïbe continentale qui comprend tous les états d’Amérique Centrale et jusqu’en Colombie”… “voilà la Caraïbe toutes les îles des grandes et des petits Antilles, mais aussi ces états voisins continentaux incontournables” qui nous ont forcément influencés et avec lesquels nous avons des liens privilégiés. La Guadeloupe est bien dedans. “Nous avons tous vécu des processus de décolonisation à des rythmes différents”. Mais le contexte historique partout est le même. L’ensemble des états “a ratifié les chartes et conventions internationales et directives émanant de l’ONU afin de préserver les droits fondamentaux de nos peuples.” Il s’agit bien des droits civils et politiques, sociaux et culturels. Sauf Sainte Lucie et les Bahamas qui n’ont pas signé.  On sait par exemple qu’un des présidents élus démocratiquement en République Dominicaine n’a jamais pu siéger ; pourquoi ? Parce qu’il était noir. Liberté, justice, droits de l’homme sont autant de domaines primordiaux appliqués inégalement. Comment se fait-il que des criminels haïtiens emprisonnés aux U.S.A. , puissent être libérés en renvoyés impunément dans leur pays. Ne nous étonnons pas du taux de criminalité émanant des gangs qui y sévissent actuellement.

 

L’indice de développement économique aujourd’hui fait partie des analyses politiques qu’il convient de mener et approfondir. La Martinique et la Guadeloupe sont en tête, Haïti tient la dernière place dans l’échelle des chiffres officiels. “Nos pays ont des difficultés à s’inscrire dans une logique internationale qui souvent les dépasse”.  L’ouverture des marchés européens pour les pays de la Caraïbe est souvent douloureuse pour les économies de nos pays caribéens qui ne peuvent rivaliser. “La pauvreté concerne la plupart du temps les noirs” c’est une réalité que l’on n’aime pas regarder en face… Par ailleurs le traitement des déchets et les droits sociaux et culturels (pour ne parler que d’eux) sont souvent hors circuits dans nos pays. Nous sommes dans un idéal de droits sociaux et de droits économiques. La société politique est différente de la société civile qui elle privilégie de se regrouper de façon active pour le bien commun, et l’entraide et l’engagement collectifs. La CARICOM est le marché caribéen de la communauté Caraïbe ; mais souvent les problèmes majeurs demeurent : place des femmes, chômage, misère dans certains endroits… Il convient encore de revoir le choix des politiques dans le contexte environnemental.

 

Après les exposés brillants et instructifs, les questions ont fusé. Où en est l’école des parents chez nous ? On sait que 40% de la population vit des ressources sociales chez nous. On veut rester compétitif, mais la politique a laissé faire la pression financière des grands qui nous entourent. Nous devons impérativement nous battre et demeurer solidaires. Pour que les Droits de l’Homme s’ancrent partout, il faut du temps. Autant de points qui ont été partagés et martelés. L’Éducation est la base aujourd’hui plus qu’hier. Et Maître Valérius de conclure en nous redisant de partir en croisade pour “informer, nous former, et irradier autour de nous”.

 

Pour conclure, qu’on me permette de rappeler cette pensée prophétique de Mgr Willy Romélus (dans le livre de Paul Déjean “Willy Romélus, l’évêque-courage”, aux éditions HMH) : “engageons-nous pour les Droits de l’Homme, c’est indispensable pour que nos peuples retrouvent espérance et justice, seul chemin vers la paix. Aimer Dieu de tout son coeur, et retrousser ses manches pour ses soeurs et frères, voilà la clé du bonheur… et du bonheur pour tous. Sans exception !” Ce livre qui date de 1995 n’a pas pris une ride !

 

Belle étape vers Pâques que cette rencontre des Droits de l’Homme de ce soir !  Merci Mme Tourraine, Maître Valérius, Mme Vairac et M. Vatna. Prochaine rencontre des Droits de l’Homme :  le 26 avril, dans la salle Coradin à Saint-Claude : “impact de l’immigration dans la société Caribéenne”. Puis le 16 juin : “rôle des médias dans nos société Caribéennes”.  Annou alé !

Jean-Marie Gauthier