Mgr Philippe GUIOUGOU : « Le diacre est celui qui est mis à part, qui est choisi pour le service »

L’homélie de l’évêque de Guadeloupe, Mgr Philippe GUIOUGOU, lors de la messe solennelle d’ordination diaconales des cinq nouveaux diacres de notre diocèse, dimanche 16 juin 2024, à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, à Pointe-à-Pitre, a été particulièrement appréciée par les fidèles. Nous en publions la retranscription intégrale.

La dernière ordination diaconale qui a eu lieu, dans notre diocèse remonte à sept ans. Et donc l’ordination diaconale arrive finalement très peu dans un diocèse. Du coup, on peut se demander, mais qu’est-ce qu’une ordination diaconale ? Le diaconat permanent qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce que ça veut dire être diacre permanent ?

Nous l’avons entendu dans la parole de Dieu, c’est celui qui est mis à part, qui est choisi pour le service. J’en parlais avec un confrère qui me disait que dans son pays ça n’existe pas, le diaconat permanent. Cela veut dire que, en fonction du pays, de là où on vient, c’est une étrangeté que d’ordonner des hommes mariés d’une façon générale, ou célibataire pour le diaconat permanent.

La notion de service, comme vous l’avez remarqué, traverse les différents textes que nous avons choisi de la parole de Dieu, nous dit que le diacre est celui qui va être au service des hommes et des femmes qui lui sont donnés de rencontrer, avec lesquels il va partager sa vie. C’est celui qui va être témoin d’une église au service des hommes. Alors nous pouvons dire que pas besoin d’être ordonné diacre finalement, pour être serviteur. Cela est vrai. Et d’abord au nom de notre baptême. C’est le baptême qui fait de nous des hommes et des femmes au service des uns et des autres. En cela, nous sommes tous donc appelés à être serviteurs. Mais l’Église, comme au titre des prêtres, choisit quelques-uns. Pour signifier d’une façon forte cette notion de service. Le signifier d’une manière particulière par le diaconat permanent, parce que ce sont des hommes qui sont insérés dans une société. Il faut avouer que nos prêtres, non pas que nous soyons en dehors du monde, non, mais nous sommes quand même moins engagés par exemple dans une vie associative et encore moins dans le monde du travail. Par le diaconat permanent, l’Église dit à ses hommes, par ton travail, par ta manière de servir, avec tes collègues, que tu sois travailleur ou chef d’entreprise, il y a une manière spécifique aussi d’infuser l’évangile, d’infuser le message du Christ qui nous invite à être respectueux envers les autres, à donner la juste place à l’autre, à aider l’autre à grandir.

Alors l’Église choisit donc parmi ces hommes quelques-uns pour signifier une Eglise au service des autres. C’est donc le cas des hommes que nous avons ici par leur travail ou certains viennent juste d’être à la retraite, ou par le service qu’ils peuvent faire aussi au sein d’une structure associative.  Cette église, elle est au service d’une chose, de la parole de Dieu et cette parole de Dieu que nous proclamons. Le Diacre justement, va faire ce pont, ce lien. Le diacre, je dirais, est l’homme qui fait le pont entre la dimension du laïc et la dimension du clerc. La dimension du laïc qu’on peut retrouver en paroisse et celui qui est l’homme qui a été consacré. Une des manières donc de faire ce pont, c’est de dire, comment dans ma vie de tous les jours, je vais venir aussi le signifier à l’autel, dans le cœur.

La première des choses, c’est être au service de la parole de Dieu. Et donc le diacre est celui qui va proclamer la parole, qui va annoncer cette parole. C’est aussi celui qui va la commenter puisqu’il peut par l’homélie, dire et faire comprendre l’intelligence de la parole de Dieu. Vous le voyez et vous le verrez, je le dis puisque certains ne connaissent pas ce qu’est un diacre. Nous le verrons aussi au service de l’autel où il va venir se mettre au service du prêtre, en fait. Franchir le pas, entrer dans le cœur, ça peut correspondre en fait à la dimension liturgique, qui est celle des offrandes que nous apportons. L’offrande qui sort du fond de l’Église et que nous présentons devant l’autel, cette offrande que nous demandons au Seigneur de venir finalement la transformer, la transfigurer même. Ce pain et ce vin qui deviennent corps et sang du Christ. Il y a donc quelque chose de notre vie qu’il a à transfigurer, à transformer. Et donc le diacre, par ce biais, montrant aussi son implication dans le monde et montrant ce service à l’autel, montre bien pour nous tous comment nous avons quelque chose à transfigurer, à transformer dans nos vies.

Quand on quand on interroge des chrétiens, souvent ils nous disent. Je suis chrétien, mais je ne suis pas pratiquant. Beaucoup le disent et je pense même certains d’entre vous l’avez déjà dit. Je suis chrétien, mais je ne suis pas pratiquant. Je leur dis souvent, comme j’aime bien dire en souriant, je n’ai pas ça dans mon magasin, je n’ai pas ça dans mon presbytère. Ce n’est pas possible d’être chrétien sans être pratiquant parce que pratiquant veut dire mettre sa foi en pratique dans la vie de tous les jours. Alors mettre cette foi en pratique, c’est évidemment en famille et les épouses sont là. Je pense avoir suffisamment insisté quand il y a eu la rencontre épouse et futurs diacres pour rappeler que le diacre, tout d’abord, il est appelé à vivre son diaconat au sein de sa famille.

C’est le ou l’un des premiers lieux où il a à exercer son diaconat, contrairement donc au prêtre. Évidemment, si nous ne sommes pas en adéquation dans ce que nous vivons au sein de notre famille, cela va poser un problème pour l’image que nous allons donner que nous donnons à notre service. Si nous ne sommes pas en adéquation avec ce que nous vivons au travail et le diaconat que nous avons embrassé, cela pose une distance. Entre ce que nous vivons et ce que nous proclamons. Il faut admettre que nous avons nos limites, et vous les avez-vous même aussi. Nous n’ordonnons pas des hommes parfaits. Nous ordonnons des hommes en chemin vers cette sainteté, mais avec le désir de grandir dans leur foi. Nous n’ordonnons pas des prêtes parfaits, nous ordonnons des hommes qui ont ce désir, par le service, de grandir eux-mêmes dans leur propre foi, de grandir dans l’amour de Dieu et de grandir dans l’amour des autres. Ce diaconat va concrètement aussi se vivre dans des missions. C’est pour cela qu’avec le père Denis, l’équipe qui vous a préparé pendant des années, nous avons pris le temps de discerner à la fois vos aspirations, ce que vous vivez déjà d’une manière naturelle, mais aussi les besoins que le diocèse pourrait avoir pour telle ou telle mission.

Le diacre, il contribue aussi à la communion. Il est celui qui, par son service, par sa posture aide aussi à dire que, au sein de notre diocèse, au sein de notre église, la communion est essentielle. C’est aussi montrer que notre église va vers l’unité. Alors il faut espérer que quelques hommes seront encore appelés. Je le rappelais dans le mot de l’évêque cette semaine, il y a deux modalités d’appel pour devenir diacre. Celle la plus fréquente, c’est l’Église qui dit à tel homme, nous avons besoin de toi, nous souhaitons et nous avons discerné chez toi, par ce que nous voyons de ta vie d’Église, nous avons discerné un homme capable d’aller un peu plus loin et pourquoi pas donc vers le diaconat. Alors on entre dans un processus d’appel, puis de discernement, et ensuite de formation.

Mais il existe aussi une deuxième modalité certes plus rare. C’est qu’un homme dise, moi j’ai un peu compris ce qu’était le diaconat, moi je me donne à l’Église, je me donne aux autres, et j’ose demander à l’Église pourquoi pas être appelé au diaconat, c’est à dire une candidature un peu spontanée qui s’adresse à l’évêque. C’est possible. Je vous le dis, je suis preneur. Si parmi vous il y en a qui se disent aussi, eh bien oui, je pense que mon baptême, ma vie d’Église pourrait aussi aller jusqu’à ce pas vers de l’ordre du diaconat. Je suis preneur.  

Vous m’entendrez de plus en plus évoquer la question des hommes, la place des hommes au sein de notre communauté et de notre Eglise. A la messe, dans nos églises, l’assemblée est composée à peu près de 80% de femmes et un petit 20% d’hommes. Alors je me suis posé la question et je me pose la question, mais qu’est-ce que les femmes ont de plus que les hommes pour avoir une telle dimension spirituelle ? Ce sont les femmes que nous retrouvons à la catéchèse. Ce sont les femmes que nous retrouvons dans l’église au service. Ce sont les femmes que nous retrouvons à la messe. Qu’est-ce que les femmes ont de plus que nous pour avoir une telle intuition, une telle attirance pour les choses spirituelles ? Je n’ai pas la réponse à cette question, mais ce dont je suis sûr, c’est que toute famille implique aussi un équilibre.

Notre famille d’Église aurait et a bien besoin de cet équilibre. Des hommes catéchistes, des hommes au sein des paroisses. Et les hommes que nous ordonnons. Alors les femmes, ne soyez pas en reste, il y a tout un banc de religieuses qui sont là et qui écoutent attentivement. Cela veut dire que bien sûr, il y a aussi cette place dans la vie consacrée, à savoir franchir ce pas et dire au Seigneur, je souhaite aussi me consacrer à toi toute ma vie, comme religieuse. L’Église de Guadeloupe a besoin de vous, cher diacre, et c’est pour cela que j’ai décidé de vous appeler après, bien sûr, avoir pris le temps de consulter, d’avoir été à l’écoute de l’équipe qui vous a préparé pendant tant d’années. Et c’est une année pour moi de grâce puisque je récolte les fruits de ceux qui ont semé bien avant moi. L’ordination sacerdotale de Cédric Blondin puis celle d’Emmanuel Petit. Aujourd’hui, cinq hommes sont donc ordonnés diacres permanents pour notre diocèse.

Prions pour ces hommes. Prions pour leur famille. Prions pour leurs enfants, leur épouse. Ce qu’ils découvrent aujourd’hui n’est qu’une petite part de la joie qu’ils auront pendant toute leur vie de diacre. Cher futur Diacre, soyez en sûr, vous apporterez bien des choses à notre église. Notre église vous ouvre les bras, vous tend les bras parce qu’elle a besoin de vous.

Amen

(Homélie de Mgr Philippe GUIOUGOU, évêque de Guadeloupe, le dimanche 16 juin 2024, à l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, à Pointe-à-Pitre)